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Dans l'intimité de......

Donato Carrisi.

J'ai découvert son livre il y a un bon moment déjà : 'le chuchoteur" et ce fût une révélation, un petit joyau de la littérature, un polar qu'on respecte comme il se doit !!
J'attendais donc de ces nouvelles et voici que son nouveau roman sort et fait un aussi bon carton "Le tribunal des âmes" qui apparement va aussi être adapté au cinéma comme son aîné, autant dire que cet auteur est un vrai génie.
Je vous propose donc de le rencontrer dans cette nouvelle rubrique "dans l'intimité de..." pour apprendre qui il est et ce qui le motive comme ça.




Le succès du "Chuchoteur" vous a-t-il encouragé ou au contraire paralysé ?Donato Carrisi. Un premier livre repose sur la chance et sur l'idée. C'est au deuxième que l'on voit si vous êtes un bon écrivain. Pour le deuxième, donc, j'avais trouvé une histoire forte, qui m'enthousiasmait, et je n'avais plus peur. J'avais presque terminé de l'écrire lorsque, un jour, un ami policier m'a appelé de la Préfecture de Rome, où il travaille au bureau des personnes disparues. Il m'avait déjà conseillé pour "Le Chuchoteur". Là, il menait une enquête en collaboration avec quelqu'un qui n'était pas un policier, désigné comme un "Chasseur des ténèbres" (cacciatore del buio). Le nom était déjà un roman. Il m'ont donné rendez-vous près de la Plaza Navona. Et cet homme - un prêtre - m'a raconté le thriller le plus incroyable que j'aie jamais entendu. Un fois rentré chez moi, après avoir vérifié sur Google que ce qu'il m'avait dit était vrai, j'ai pensé que cela ferait un troisième livre extraordinaire. J'avais pris des notes, les personnages et les situations ont commencé à fermenter. Comme, j'avais peur qu'on me vole cette histoire jamais publiée, j'ai abandonné mon deuxième roman. Résultat : pas d'angoisse, je suis passé directement au troisième...
En vous disant qu'il fallait faire aussi bien que "Le Chuchoteur" ?J'ai une règle : m'amuser quand j'écris. Ecrire l'histoire que j'aimerais lire. Si je m'amuse, je suis certain que le lecteur aussi s'amusera.
Avez-vous fait beaucoup de recherches sur les lieux où se déroule cette histoire ?
Le Tribunal des âmes existe ! C'est la Pénitencerie apostolique, au Vatican, qui a un site internet ! Ce sont les plus grandes archives criminelles du monde, regroupant tous les péchés mortels de l'humanité. Si quelqu'un confesse un crime à un prêtre plutôt que de l'avouer à la police, ça passe par là. Cette pratique a commencé au XIIème siècle. Nombre de pélerins qui se rendaient à Rome avaient des péchés mortels à confesser et seul le Pape pouvait le faire. Il a ensuite délégué cette fonction aux cardinaux. Puis les dominicains ont créé la Pénitencerie. Ces archives se distinguent de celles du FBI, par exemple, parce que la reconstitution des faits vient du coupable, elle est subjective. C'est le Mal qui se raconte lui-même. Et il répète toujours les mêmes schémas. Le bien évolue avec l'humanité, le Mal reste identique. J'avais consacré mon mémoire de fin d'études à un tueur en série d'enfants, Luigi Chiatti, le "monstre de Foligno". Il souffrait d'un trouble narcissique de la personnalité qui lui faisait tout raconter en détails. Eh bien, en consultant les archives du Tribunal des âmes, je suis tombé sur la confession, au Moyen-Age, d'un tueur en série pédophile qui décrivait ses actes en utlisant les mêmes schémas mentaux que Luigi Chiatti...
Durant vos recherches, vous sentez-vous criminologue ou romancier ?
Je ne sais pas où commence l'un et où finit l'autre. Dans ce cas précis, j'ai été en contact avec une méthode de criminologie que je ne connaissais pas. Les Chasseurs des Ténèbres (ndlr. sortes de prêtres enquêteurs) se forment au contact des archives. Ils utilisent une méthode "pure", qui n'est pas contaminée par une dimension scientifique. J'ai voulu refléter cela dans mon roman, en excluant tout apport de technique moderne. Pour "Le Tribunal des Ames", le romancier prévaut sur le criminologue.
Pourquoi êtes-vous fasciné par ces dix siècles de crime ? C'est l'histoire de l'humanité qui se raconte à travers ces crimes. Une histoire des sentiments, de l'intimité, qu'on ne trouve pas dans les manuels d'Histoire. On voit comment a évolué le sentiment de pitié, par exemple. Ce que l'on considère comme un péché mortel ne l'était pas il y a quelques dizaines d'années. Aujourd'hui, des médecins catholiques pratiquant l'avortement le confessent comme un péché mortel. Au début du XXe siècle, en Italie, en milieu rural, il était normal qu'une sage femme donnant naissance à une petite fille la sacrifie. La morale a changé. Manquer de respect à son père ou à sa mère était un péché très grave il n'y a pas si longtemps. Dans tous les crimes, au-delà des faits, il y a une couche d'émotions, de sentiments, dans laquelle naissent les pulsions. C'est là que le Chasseur va débusquer le Mal...
Avez-vous rencontré ce "Chasseur" à plusieurs reprises ?Oui, pendant deux mois et demi. Il m'a fait découvrir des coins de Rome que je ne connaissais pas, bien que j'y vive depuis plus de dix ans. Des lieux mystérieux, mais accessibles. Le premier était l'église de Saint-Louis des Français, où se trouve le tableau du Caravage "Le martyr de Saint-Mathieu". Il m'a demandé ce que j'y voyais : du sang, une petite foule curieuse, le peintre qui s'est représenté dans un coin. Il m'a dit : retire les figures sacrées et que vois-tu ? Une scène de crime. Le Caravage peignait ce qu'il voyait dans les rues de Rome et le recouvrait d'une patine mystique. Son Saint-Mathieu était probablement la victime d'un meurtre.

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